17 Septembre 2023
En 1952, un important incendie eut lieu près de l’avenue Crampel au Busca et détruisit plusieurs bâtiments dont une fabrique de chaussures, Soléo.
La fabrique Soléo était une des nombreuses manufactures qui existèrent dans le quartier du Busca entre les deux guerres, signe de la vivacité industrielle de Toulouse à cette époque.
Lors de la Première Guerre Mondiale, le prix des chaussures augmenta fortement en raison de leur pénurie. Le gouvernement lança lors une action pour fabriquer des chaussures bon marché en utilisant les surplus des armées, « la chaussure nationale ». La production de chaussures fut multipliée par 30 entre 1915 et 1919 atteignant 800.000 paires cette année-là. Après-guerre, les artisans et industriels s’organisèrent pour continuer à bénéficier du soutien de l’Etat. La crise des années 30 vit l’émergence de grands groupes (André, Pillot et surtout Bata) et la disparition de nombreuses petites fabriques. La Guerre de 39-45 donna un répit à ce secteur en raison de la politique de Vichy soutenant le paysan et l’artisan.
Puis le début des 30 glorieuses donna un second souffle à ce secteur, mais la concentration et la taylorisation, favorisant les grandes entreprises, conduisit à la disparition de nombreuses petites fabriques. Ainsi à Romans sur Isère alors capitale de la chaussure passa-t-on de 204 entreprises en 1948 à 69 en 1969 à 1 en 2009[1].
Toulouse fut une des grandes bénéficiaires du plan gouvernemental de 1917. En 1932, une étude fut publiée sur l’industrie locale de la chaussure :
On peut compter plus de quarante manufactures ou ateliers ; sur ce nombre, il y en a une vingtaine groupant chacune de six à quinze ouvriers, il y en a 18 groupant plus de vingt ouvriers. Trois ont plus de deux cents ouvriers, deux en ayant plus de cent cinquante ; deux en ont cent ; cinq de cinquante à cent, et six en ont de vingt à cinquante. Au total, on compte, à l'heure actuelle, 1.300 ouvriers.[2]
Toutes les catégories de chaussure sont représentées à Toulouse : les chaussures de cuir ordinaires, les chaussures de cuir pour bébés et jeunes enfants, qu'on appelle les « fafiots », les chaussures de toile avec semelles en cuir chromé, les pantoufles charentaises, les espadrilles à semelle de corde et les espadrilles à semelle de caoutchouc.
Louis Calas, né en janvier 1882 à Castres, vint après la première guerre mondiale s’installer à Toulouse et s’y marier. Il était représentant en chaussures.
Il s’associa en 1926 comme directeur commercial avec Auguste Rigaud, propriétaire d’une fabrique de chaussures-tiges, gros et détail, puis en devint gérant en 1934. Cette société nommée Soléo, était un sous-traitant de Paris-France.
Louis Calas la céda au début des années 50 à son fils Jean, qui avait suivi une formation à Romans/Isère, à l'époque capitale de la chaussure.
L’atelier de la fabrique, initialement située Côte Pavée, était établi depuis 1924 au 4 rue Déodora ce qui, avec l’extension de la rue, correspond actuellement au 21 de cette même rue. Il s’étendait le long de la voie ferrée Toulouse-Bayonne. La fabrique ferma en 1956, quelques années après le redoutable incendie de 1952 qui détruisit la fabrique et d’autres ateliers de la rue Déodora (voir article sur le sujet). Elle employait 30 personnes au moment de la catastrophe.
Les bâtiments de l’usine existent toujours et on peut voir le L qu’ils forment sur la photo ci-dessus.
Un bâtiment situé le long de la voie ferrée servait de dépôt alors que l’atelier était bâti perpendiculairement à la voie. La cour est en partie occupée par un autre bâtiment à usage résidentiel.
Les héritiers de Jean Calas ont conservé des outils de fabrication et de commercialisation, ainsi que des chaussures qui semblent tout juste sortir de l’usine !
En voici quelques images :
Chaussure pour enfant « Sanzo » taille 30 (1954) Ces chaussures étaient alors vendues 2060 francs par la fabrique soit environ 40€.
Le Busca était au début du 20° siècle une grande zone artisanale qui, petit à petit, a laissé la place à un quartier résidentiel.
De nombreuses traces existent encore, visibles à travers des bâtiments, souvent en brique et réaffectés à d’autres usages, tel le lycée Gabriel Péri rue Mondran, qui fut auparavant l’usine de chaussures Nougayrol, ou encore celle de Paris-France, sur le site des Compagnons du Devoir.
Près de 70 ans après la fermeture, les héritiers de Soléo ont conservé ces témoignages de la fabrique qui nous permettent de garder une trace de cette époque qui s’éloigne peu à peu.
Un petit musée de la cordonnerie du milieu du 20° siècle !
Merci à Élisabeth et Nancy Calas de nous avoir ouvert leur trésor !
[1] Source : Florent Le Bot, Cédric Perrin. Mobiliser l’industrie de la chaussure, mobiliser ses territoires. Terrains et Travaux : Revue de Sciences Sociales, ENS Cachan, 2011, 2 (19), pp.205-224. 10.3917/tt.019. 0205. Hal -01470977 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01470977
[2] Fauresse M. L'industrie de la chaussure à Toulouse. In : Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, tome 4, fascicule 3, 1933. pp. 438- 440 ;