5 Juin 2015
L’ex-prison Saint-Michel est officiellement à vendre depuis plus de quatre ans. En janvier 2011, le préfet de l’époque annonçait en effet la volonté de l’État de vendre ce bien immobilier dont il est propriétaire pour la somme de 11,2 millions d’euros, prix fixé par France Domaines. Un prix exorbitant de l’avis de Pierre Cohen, alors maire de Toulouse, qui voulait intégrer le bâtiment carcéral, vide depuis 2009, dans un vaste arc culturel avant d’envisager d’y faire déménager l’école de commerce de Toulouse.
Quatre ans après, à la différence du maire socialiste, son successeur Jean-Luc Moudenc a décliné un projet municipal précis, celui d’y faire un auditorium, mais le nœud de son problème reste le même : le prix du foncier qui lui n’a pas bougé.
Si le prix n’a pas bougé, les choses ont quand même quelque peu évolué. En premier lieu, début 2015, l’État a accepté de financer à 50% des études de faisabilité de l’auditorium, ce qui est synonyme de la prise en compte du projet.
En second lieu, l’État a annoncé il y a quelques semaines le lancement, dans le cadre de la procédure de cession et potentiellement dans le courant de l’année, d’un appel d’offres. Ce qui écarte à priori la cession de gré à gré entre l’État et la mairie de Toulouse, l’autre option dans ce type de cession. Et ce qui ouvre la porte de cette transaction à d’éventuels opérateurs privés.
Une option à laquelle semble se ranger de bon cœur Jean-Luc Moudenc lui qui pourtant, dans une lettre en date du 10 septembre 2010 et adressée à la ministre de la justice de l’époque, Michèle Alliot Marie, demandait « d’écarter toute hypothèse de vente aux enchères et au secteur privé et de céder à la Ville l’intégralité de ces bâtiments, à un prix raisonnable, selon l’estimation précédente réactualisée, qui devrait se situer autour de 800 000 euros ».
Aujourd’hui, avec des finances locales dégradées et de multiples projets à mener (3e ligne de métro, parc des Expositions à Beauzelle…), le maire va donc probablement jouer à fond la carte de l’investisseur privé en espérant récupérer la mise dans un deuxième temps. Mais en pesant dès maintenant le plus possible dans la rédaction du cahier des charges de l’appel d’offres qui est en cours de rédaction.
« Le but, c’est d’intégrer dans ce cahier des charges le projet d’auditorium, la préservation du bâtiment historique et la possibilité de créer un jardin public. Nous allons aussi demander que le futur acheteur soit obligé de nous rétrocéder la partie historique quand l’opération financière entre lui et l’État aura été réalisée », explique Jean-Luc Moudenc qui souhaite éviter le scénario de Lyon qui a vu la prison Saint-Joseph, construite sur le même modèle que Saint-Michel, enfermée dans un vaste ensemble immobilier.
Image de synthèse du projet immobilier prévu dans le cadre de la reconversion de la prison Saint-Joseph à Lyon
Que peut espérer Jean-Luc Moudenc dans cette transaction en deux temps et quel intérêt pourrait avoir un promoteur immobilier dans cette affaire?
La réponse est relativement claire. En passant par le secteur privé et en mettant en place ce plan à trois, le maire espère, dans le cadre d’une négociation avec un promoteur (qui pourrait éventuellement comprendre d’autres fonciers disponibles sur la commune) faire baisser le prix de la rétrocession, peut-être en dessous des 800 000 euros. Quant aux promoteurs, ils peuvent envisager une opération immobilière très rentable sur un foncier qu’ils guettent depuis plusieurs années. Il leur suffirait par exemple de faire tomber les murs d’enceinte, ce qui est prévu quoi qu’il arrive, et de construire des immeubles sur les franges de la parcelle.
En tentant la carte du plan à trois avec l’État et le privé, Jean-Luc Moudenc mène une stratégie dans laquelle il n’aura aucun rapport de force brutal à établir et espère pouvoir réaliser un coup où chaque partie serait gagnante.
Dans cette stratégie des petits pas et qui réserve encore de nombreuses inconnues, la seule certitude est que l’État voudra « valoriser au mieux », comme nous l’a encore très récemment expliqué avec le sourire le préfet de Haute-Garonne, Pascal Mailhos. « Valoriser au mieux » : une phrase à double sens selon que l’on se place dans la perception du ministère de la culture ou dans celle du ministère de l’économie.
Fort de ce constat, il sera intéressant de connaître l’équilibre qui sera inscrit dans le cahier des charges entre le bâtiment historique qui recevrait l’Étoile de la Musique, le projet annoncé par le maire pendant sa campagne des Municipales et le projet immobilier imaginé autour de cette étoile (le prix de cession pourrait notamment baisser en fonction du nombre de logements sociaux prévus). Ce cahier des charges obligera-t-il à conserver toutes les branches de l’étoile ? L’idée d’un grand jardin public y sera-elle finalement inscrite? Que dira l’étude de faisabilité de l’auditorium? Ce dernier pourra-t-il être enterré ou les contraintes techniques amèneront-elles à imaginer une structure semi-aérienne comme cela est aussi envisagé?
Les réponses à toutes ces questions permettront de dire si le plan à trois qui est en train de se monter en coulisses entre l’État et la mairie avec l’entrée par la grande porte d’un privé permettra non seulement à chacune des parties de tirer quelques marrons du feu mais surtout de dire si la préservation de ce patrimoine sera restée jusqu’au bout au centre de cette histoire.