28 Avril 2015
Le groupe Casa Nova a publié un article bien documenté sur les tentatives d'aménagement de la place du Busca depuis des années! Nous le publions ci-dessous.
Depuis 15 ou 20 ans la réfection de la place du Busca est en projet… et le reste ! Cette zone de non droit totalement bitumée est d’une laideur particulière car autour de l’unique lampadaire qui trône en son centre elle est couverte de véhicules garés sauvagement et impunément ou circulant comme ils peuvent entre « voitures ventouses » et « arrêts minute » pour acheter le pain, le journal et récupérer les gosses à l’école. Elle a pourtant des qualités urbaines et architecturales remarquables : aussi carrée que la place Arago à Jolimont est ronde, elle pourrait par sa remise en valeur devenir un joli cœur de quartier en se distinguant parmi les placettes Toulousaines imparfaitement rectangulaires ou triangulaires.
Déjà en 2003, Philippe Douste-Blazy, Député-Maire de Toulouse puis dans les années suivantes Jean Diebold, élu municipal chargé des travaux et de la voirie et candidat ou élu selon les époques à l’Assemblée Nationale et au Conseil Général, occupait les associations du quartier, lors des périodes pré-électorales, en les faisant plancher sur la réfection de la place sans que jamais ces réflexions citoyennes ne soient suivies d’effet. Les habitants du secteur ont ainsi depuis longtemps fait ressortir, s’il en était besoin, que la reconquête des lieux devait passer par un aménagement apaisé, faisant baisser la pression automobile. Mais les débats tournaient en rond sur la quantité de véhicules admissibles et surtout ne se concluaient jamais, les pseudo concertations étant systématiquement ajournées une fois passées les périodes électorales.
L’équipe Cohen elle aussi s’était dernièrement attelée à la concrétisation d’un projet, non par amour particulier du secteur du Busca , mais pour deux raisons essentielles : - Un audit pédagogique de début de mandat sur la situation urbaine de Toulouse avait révélé aux élus qu’un des enjeux majeurs de l’aménagement urbain résidait dans la prise en compte et l’amélioration de la conception des espaces publics : la place du Busca étant un exemple notoire de site à requalifier. - Les concessionnaires de réseaux (eau,gaz, électricité… enterrés sous la place) se faisaient de plus en plus pressants pour effectuer des travaux d’entretien indispensables, et participaient de ce fait de manière conséquente à la dépense pour peu qu’on les autorise à disposer des lieux. Naturellement le site étant alors totalement défoncé pour intervenir en sous sol, une réfection de la surface en était le corollaire logique.
Pour ces raisons, dès 2010, sous la houlette de l’élu à l’espace public (JC Valadier) allié aux élus de quartier (JM Barès et Ph. Goirand), un processus opérationnel avait été mis en œuvre pour la réfection de cette place et, contrairement à ce qui fut colporté par la droite pendant la campagne électorale, la méthode de travail retenue était articulée autour d’une réelle concertation et d’une expérimentation de coproduction du projet : s’il est possible d’en contester les options retenues la méthodologie utilisée reste une référence : - Les Services organisés en Comité Technique avaient établi les enjeux du projet de requalification de la place, prenant en compte la spécificité architecturale et urbaine des lieux, les activités commerciales, la circulation, les transports en commun, les modes actifs, le stationnement, l’éclairage, les plantations, la proximité d’une école sur une des quatre faces de la place, etc. L’analyse fut présentée et partagée par les élus organisés en Comité de Suivi. - Ces même services proposaient ensuite plusieurs scenarii de programmes et d’organisations possibles en fonction des enjeux et des critères environnementaux. - Une première consultation publique des habitants organisée à la Maison des Associations permit de partager ces enjeux et d’évoquer les différents programmes envisageables. - Les élus du comité de Suivi ont alors arbitré le choix d’un programme à la suite de cette consultation : celui-ci confirmait une place apaisée intégrant les modes actifs et des plantations, avec une circulation périphérique (totale ou partielle) proche de celle d’aujourd’hui mais à vitesse réduite et un stationnement limité au strict nécessaire pour les activités commerciales (livraison et arrêt minute) et prenant en compte l’organisation du stationnement dans les rues adjacentes.
- Un concours de concepteurs lancé sur la base de ce programme permit ensuite à un jury de choisir un projet, parmi les trois retenus, pour sa qualité paysagère et architecturale mais aussi en raison de sa polyvalence et son évolutivité. - Les concepteurs lauréats (les franco/catalans Michèle et Miquel) furent ensuite invités à présenter l’esquisse de leur projet en réunion publique : espace central planté, sol totalement pavé y compris les voies de circulation en zone 20 ou 30, larges trottoirs le long des façades, stationnement périphérique possible à organiser et à dimensionner… Le projet fut apprécié et bien reçu par le quartier car il répondait au programme publiquement débattu, généra de nombreuses remarques que les concepteurs prirent en compte pour la mise au point d’un projet détaillé à venir. - Le projet évolua en se précisant en fonction des remarques recueillies (notamment le dimensionnement et le système d’arrêt minute devant les commerces et l’école, et la nature des plantations). - Plusieurs solutions d’avant projet furent ainsi établies et présentées publiquement… à nouveau.
A ce stade trois réunions publiques avaient donc été tenues et autant de réunions de travail thématiques avaient eu lieu avec les habitants concernés sur des sujets techniques précis. Les derniers échanges menés par l’équipe Cohen avaient ainsi établi de manière très majoritaire que si cette place pouvait être totalement apaisée en son centre et que seules des places de livraison et de stationnement minute devant les commerces subsistaient, il convenait de régler plus largement le problème du stationnement dans le quartier par l’extension du « stationnement résident » (système payant avec tarif avantageux pour les riverains permettant d’évacuer les stationnements abusifs de longue durée). Déjà en place dans le quartier voisin, et largement expérimenté sur Toulouse ce système de régulation confirmerait l’inutilité du stationnement sur le centre de la place : et pour convaincre les derniers septiques il avait été convenu en accord avec les associations de ne réaliser les travaux qu’à l’issue d’une période probatoire à la suite de l’installation du « stationnement résident ».
Mais c’est là que le processus dérape car les élections approchent : la majorité plurielle se désunit, certains élus tenant sans en informer leurs collègues des réunions spécifiques avec des commerçants et quelques riverains accros notoires de la voiture, pour essayer de racoler des voix dans le camp de la droite (on a pu juger de l’efficacité de ce clientélisme pour la gauche, tant lors des municipales que des départementales !)
Un arbitrage est alors rendu par Pierre Cohen décidant de surseoir à l’exécution du projet… en attendant la fin des travaux du tramway, reportant de ce fait la mise en œuvre des travaux sur le mandat suivant.
L’opposition de droite, elle aussi en période pré-électorale, identifie concomitamment qu’elle a là un sujet local à cultiver car elle se souvient que lors des réunions organisées autour d’anciens projets et faute de méthode participative, les débats n’arrivaient pas à dépasser la problématique du stationnement et clivaient les habitants en deux catégories : ceux qui pensaient que cette place devait d’abord être un parking et ceux qui pensaient que le lieu devait devenir le cœur du quartier accessible à tous sur lequel l’impact de la voiture devait être réduit. Elle décide donc tactiquement de casser le processus d’élaboration de cet aménagement qui est en passe de résoudre le clivage pro et anti voitures, afin de cultiver et d’amplifier un antagonisme pourvoyeur d’électeurs mécontents. S’en suit une campagne mensongère de dénigrement, niant le processus de concertation engagé afin de rétablir, voire de renforcer un clivage en s’appuyant notamment sur les commerçants…
Moudenc ayant été élu au printemps 2014 avec ce genre de stratégie clientéliste, que va-t-il alors se passer ?
La nouvelle élue de secteur Sophia Belkacem annonce lors de la réunion publique du16 septembre 2014 dans l’auditorium du Muséum d’Histoire Naturelle, rempli pour l’occasion, que le projet précédent était abandonné sans autre précision, que les architectes paysagistes retenus par Cohen étaient congédiés (sans qu’on nous précise le coût de cette rupture de contrat), et qu’elle souhaitait réaliser un nouvel aménagement de cette place et pour ce faire obtenir un consensus autour d’un projet . Sauf qu’elle est bien loin de l’obtenir ce consensus naïvement évoqué, après avoir œuvré pour recréer et cultiver le clivage entre ceux qui pensent que cette place doit d’abord être un lieu de stationnement et ceux qui pensent qu’elle doit être réhabilitée comme un espace public convivial avec une baisse conséquente de la pression automobile. Et c’est donc sur une empoignade pathétique que s’achèvera cette première réunion dans laquelle certaines xénophobies résiduelles issues de la période électorale se sont honteusement exprimées non sans provoquer des réactions aussi salutaires que vives.
Les deux associations de quartier (CQ Saint Michel et ARPSM Busca) se sont senties interpellées par ces manœuvres clientélistes qui aboutissent à opposer des gens que tout devrait rapprocher, les commerçants ayant comme clients essentiels les habitants du quartier, qui eux même ont tout intérêt à conserver un maximum de commerces de proximité. S’y ajoute la problématique de l’école qui accueille bien sûr les enfants du quartier. De réflexions en débats, les associations ont travaillé pour reconstruire une unité et une convivialité en dépit des dégâts occasionnés par les tactiques clientélistes qui continuent à être de mise : une réunion réservée aux commerçants et aux riverains favorables au tout voiture est organisée début avril par la Mairie à « la cantine du Busca » (le président de l’ARPSM Busca ayant été toléré à la condition sine qua non de ne pas s’exprimer… on croit rêver !)
D’un commun accord les associations de quartier actent le refus de tout projet d’aménagement de la place tant que la question du stationnement dans le quartier n’est pas résolue : pour ce faire l’installation du « stationnement résident »devrait précéder toute approbation de projet sur la place. Cette position est écrite, imprimée sous forme de tract, largement diffusée et expliquée dans le quartier en préalable à la seconde réunion publique du 8 avril au Muséum. La réunion s’ouvre devant un auditorium plein : Sophia Belkacem préside, assistée de ses collègues Jean Michel Lattes (circulation) et Jean Luc Lagleize (aménagement), Pierre Trautmann veillant incognito dans un coin de la salle ! Sont présentés, à la suite d’un banal exposé technique sur le problème des voitures, deux invraisemblables croquis de stationnement (avec + ou – de bagnoles) sur l’entier de la place en expliquant qu’il s’agissait là du résultat de la concertation, et que les services avaient énormément travaillé pendant six mois pour produire ces deux esquisses (pour lesquelles quelques heures de travail de dessinateur étaient manifestement suffisantes : disons deux jours en comptant les validations du sous-chef, du chef et du directeur !) Tollé général dans la salle… les tenants de la place stationnée ne s’expriment même pas tant ils se sentent minoritaires dans une assemblée pour laquelle l’aménagement du Busca ne se limite évidemment pas à garer des voitures… JM Lattes, élu à la circulation, ayant pris connaissance de la position des associations de quartier et sentant le vent tourner, s’engage alors opportunément pour l’installation du système de « stationnement résident » en préalable à l’établissement d’un projet d’aménagement. P. Trautmann quitte la salle en catimini, la séance est levée sur cette promesse qui, sans les abuser, calme et rassure les associations.
La mobilisation citoyenne du quartier semble avoir permis d’éviter le pire, voire de partir sur de bonnes bases, car une fois le psychodrame sur le stationnement évacué, un aménagement intelligent pourrait être établi.
Mais le chef Moudenc et ses tacticiens accepteront ils d’accéder au souhait majoritaire d’étendre prioritairement le « stationnement résident » au quartier du Busca ? Ou bien indiquera-t-il, en désavouant JM Lattes son premier adjoint, que ce n’est pas possible pour des motifs budgétaires (air connu de la ville en faillite)? Parce ce qu’électoralement parlant il a besoin de tension sur l’automobile pour capter cet électorat accro à la bagnole. Si l’on apaise trop les choses, si les psychodrames du stationnement disparaissent,si les citoyens du quartier vivent en meilleure harmonie… alors la vieille droite retournerait à l’opposition !