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Prison Saint-Michel : double langage, dissimulations et déni de démocratie

Prison Saint-Michel : double langage, dissimulations et déni de démocratie

… ou comment la Ville et l’État s’acoquinent pour abuser les habitant-es du quartier Saint Michel.

La révélation par la presse de l'intention du Préfet de lancer fin 2015 au nom de l’État, un appel d'offre sur la prison St Michel relance un feuilleton qui risque de durer et semble nous promettre un certain nombre de rebondissements.Le Groupe Casa Nova rappelle sur son site les péripéties des 15 dernières années.

Depuis plus de 15 ans, le futur de la prison Saint-Michel pose question. Si son avenir reste incertain, deux faits sont établis que Casa Nova rappellera ici :
- 4 maires successifs ont reculé devant les dépenses induites par la création d’un équipement public sur le site de la prison.
- L’État, sous différentes incarnations, n’a d’autre projet que d’essayer de tirer un maximum d’argent de la vente de la prison, faisant passer au second plan les besoins des habitants du quartier, et la valeur patrimoniale (entendre culturelle et historique) de la prison Saint-Michel.

Prison Saint-Michel : double langage, dissimulations et déni de démocratie

Les premières esquisses d’aménagement datent de la fin du dernier mandat de Dominique Baudis et l’administration de l’époque avait élaboré un projet conforme à ses certitudes comptables, c’est à dire un projet dégageant une constructibilité maximale. Le prix d’acquisition n’était pas encore évoqué mais le recours à la promotion immobilière sonnait déjà comme une évidence.

C’était sans compter avec les habitant-es du secteur qui réagirent immédiatement par les voix du Comité de Quartier Saint-Michel, créé dans les années 70, et par celles de l’Association des Riverains de la Prison qui se constitua à cette occasion.

Les élections municipales intervenant dans ce contexte, Philippe Douste-Blazy, adoubé par Dominique Baudis devint Maire de Toulouse.
Les reproches à l’égard de ce Maire sont aussi nombreux que sa présence fût courte, mais reconnaissons lui quelques visions pertinentes parmi lesquelles le refus de plomber certains sites majeurs de la ville par des constructions vénales : il sauva ainsi du désastre le jardin Raymond VI aux Abattoirs dans lequel étaient prévus des immeubles de l’acabit de ceux qui ont été édifiés entre le Musée d’Art Contemporain et le pont des Catalans.
Pour la prison St Michel il balaya l’approche comptable de son administration et commanda à Richard Edwards, expert dans la réutilisation du patrimoine, une réflexion prospective : celle-ci aboutit à un concept d’équipement public culturel sur le thème « l’artiste et l’ingénieur » qui conservait et mettait en valeur, au centre d’un vaste espace public planté, les bâtiments en étoile conçus en 1855 par Jean Jacques Esquié, caractéristiques des constructions pénitentiaire dites « Philadelphiennes » et achevés en 1869.

Prison Saint-Michel : double langage, dissimulations et déni de démocratie

C’est depuis que s’est imposée dans le quartier l’évidence d’un équipement public qui permettrait, au delà de l’équipement lui même, l’installation d’un cœur de quartier, devant la station de métro avec des espaces publics dont l’ampleur fut révélée par les dessins figurant le site sans ses murs d’enceinte.

Les péripéties de la vie politique ayant amené Monsieur Douste-Blazy à quitter la Mairie, c’est le jeune Jean-Luc Moudenc qui s’installe dans le fauteuil de Maire. Et c’est là que la culture de l’opacité et du double langage s’établit telle qu’elle perdure aujourd’hui.

Au lieu de lancer l’acquisition du site pour un montant symbolique Jean-Luc Moudenc qui, sans jamais l’avouer, ne veut pas de l’équipement public (coûteux) imaginé par Richard Edwards, temporise et laisse de ce fait s’installer au sein de l’administration de l’État l’idée que ce terrain pourrait avoir une valeur du fait de sa constructibilité.
Les associations de Quartier, pas dupes de ces manœuvres et fortes du rapport Edwards qui soulignait l’intérêt patrimonial des constructions existantes, saisissent la Préfecture et obtiennent le lancement d’une procédure de protection au titre des Monuments Historiques.

Cette protection évidente aux yeux des experts patrimoniaux, comme en témoignent les analyses préparatoires à la Commission Régionale du Patrimoine et des Sites, n’arrange ni la Ville, ni l’État soumis à la pensée unique et comptable de leurs Énarques et autres Polytechniciens, car le classement ou l’inscription au titre des Monuments Historiques induit une menace pour la constructibilité, donc la valeur du terrain.
Et tandis que la Mairie continue à endormir les citoyen-nes en cultivant le discours sur l’équipement public, le Préfet repousse à plusieurs reprises la convocation de la réunion de la Commission sans l’avis de laquelle il ne peut statuer sur la protection des lieux.
Pour sa part, et comme par hasard, la Ville annonce que l’équipement public attendra car le terrain est devenu trop cher.

Les élections interviennent donc sur un double langage et une collusion non avouée mais évidente des pouvoirs publics :
- D’une part l’affirmation d’un projet d’équipement public conservant le site et la mémoire du lieu.
- D’autre part l’obstruction de l’État qui repousse sans cesse la tenue de la Commission Régionale du Patrimoine et des Sites, permettant de ce fait à la ville d’ajourner son projet au prétexte que le prix d’achat est trop élevé.

Les élections de 2008 font accéder à la Mairie Pierre Cohen et ses colistiers de gauche :
Celui-ci botte d’abord en touche en indiquant que les priorités du mandat n’incluent pas le réaménagement de la Prison St Michel et qu’il sera réalisé lors de la mandature suivante.
Les associations se font alors plus pressantes et obtiennent fin 2010, après 2 ans de forcing, la convocation de la fameuse Commission Régionale du Patrimoine et des Sites pour examiner la protection du site.
Le Ministère de la Culture indique clairement que l’ancienne maison d’arrêt Saint-Michel, « de par son architecture et son insertion dans le tissu urbain, est un témoignage quasi unique de l’histoire des prisons ».
Mais les débats à huis clos de la Commission Régionale du Patrimoine et des Sites du 28 janvier 2011, qui, rappelons le, n’a qu’un avis consultatif, concluent à une protection réduite limitée au Castelet et à la Cour d’Honneur dite « cour des fusillés »proposée par le Ministère de la Justice propriétaire des lieux : la Commission étant pour sa part empêchée d’exprimer son avis sur le reste du site et notamment de la fameuse « Étoile ». La Dépêche du Midi titre « un avis sous la contrainte »

Ainsi donc l’État, faisant fi de l’avis des associations de quartier, de celui des ancien-nes résistant-es et des 10 808 signataires d’une pétition, commettait un abus en interdisant à une commission consultative d’exprimer son avis d’expert.

Dès le 31 janvier, le préfet annonçait l’inscription en tant que Monuments Historiques du castelet d’entrée, de la cour d’honneur et des bâtiments qui la bordent.
Tout en lâchant un minimum au titre de la mémoire historique des lieux, la Préfecture s’est mise à l’abri d’une dépréciation du terrain puisque « l’étoile » n’étant pas protégée la spéculation foncière peut continuer : elle offre à la Ville une cession pour l’Euro symbolique du Castelet.

Prison Saint-Michel : double langage, dissimulations et déni de démocratie

Les associations sont un instant décontenancées face à cette manipulation et cette nouvelle collusion évidente mais non assumée entre la Mairie et l’État.

Car Pierre Cohen continue à vitupérer que le prix du terrain est excessif : or c’est lui qui en a les clés puisque le prix du terrain dépend de sa constructibilité, laquelle est donnée par le Plan Local d’Urbanisme, lequel Plan est établi par la Mairie !

Et que fait-il dans son nouveau Plan Local d’Urbanisme ?
Il endort les associations en protégeant « l’étoile », pour montrer que si l’État à failli en ne protégeant pas celle ci, lui la protège, car le Comité de Quartier Saint Michel a demandé sans succès au Préfet de Région de convoquer une nouvelle réunion de la CRPS pour qu’elle puisse enfin voter un avis sur la protection à donner à cet ensemble monumental.
Mais il n’oublie pas en parallèle de laisser des droits à construire conséquents le long des rues permettant ainsi à l’État de maintenir son prix de vente, offrant par ricochet à Pierre Cohen un prétexte pour temporiser sur le projet en mettant en exergue le prix du terrain estimé à 11,3 millions d’Euros.

C’est le moment que choisit le président du Conseil général pour se faire un peu de publicité opportuniste sur ce dossier. Pour ce faire, il exhume le don que le département fit à l’État du terrain destiné à la prison, et annonce que si le terrain change d’usage le département en réclamera la restitution et en facilitera l’acquisition par la ville. Ce coup de menton et de pub de Pierre Izard n’ira pas plus loin que quelques articles complaisants de la Dépêche du Midi.

En attendant le terme du mandat de Pierre Cohen, quelques tentatives sans lendemains comme celles de l’École d’Architecture ou de l’École de Commerce ont eu le mérite d’occuper le terrain des débats, en l’absence de projet public.

Les élections approchent dans ce contexte, et Jean Luc Moudenc qui fait feu de tout bois dans sa campagne annonce à l’arrache un auditorium enterré sous l’Étoile !
Dans le quartier tout le monde sourit, car enterrer un auditorium de 2000 places c’est creuser à près de 40 mètres de profondeur et le tout en conservant un bâtiment au dessus… sauf que Moudenc est élu… et l’auditorium avec.

Pendant un moment celui-ci est avec son auditorium comme un canard qui aurait trouvé un couteau.
Puis il annonce qu’il va lancer une étude, puis qu’il réfléchit avec Tugan Sokief, puis que son adjointe Marie Dequé part au Japon avec le chef d’orchestre, puis qu’elle revient du Japon, pour finalement annoncer fièrement qu’il obtient de l’État une subvention, non pas pour réaliser l’auditorium mais pour participer aux frais de l’étude !

Les associations restent perplexes devant cette danse du ventre jusqu’à ce qu’elles découvrent dernièrement qu’en parallèle à ces études et de son côté la préfecture prépare un appel d’offre pour la vente du site !

Mais comment et pourquoi l’État lance à la fois un appel d’offre pour vendre le terrain et une étude pour un équipement public enterré ?
Moudenc est pris à partie, lors de ses sorties en public : heu oui il est au courant de l’appel d’offre… ah vous êtes aussi au courant… mais c’est l’Éta … mais la Préfecture a promis de lui montrer le cahier des charges… ah parce qu’il l’a pas vu… et il attend qu’il soit ficelé… mais alors plus tellement modifiable… ?

Pourquoi donc le Préfet lance cet appel d’offre maintenant : et bien parce qu’une modification du Plan Local d’Urbanisme est annoncée et que celle ci pourrait (en théorie) modifier la constructibilité, non d’une zone (pour cela il faudrait une révision) mais d’un terrain, comme celui de la prison… et le fait de lancer une consultation verrouille le PLU et empêche alors tout changement de constructibilité (pas que la Mairie veuille réduire la constructibilité de sa propre initiative, mais on ne sait jamais avec les dires aux enquêtes publiques et les rapports des commissaires enquêteurs!).
Entre la Mairie et l’État on s’entend finalement assez bien et on assiste là à un renvoi d’ascenseur pour remercier de la subvention de 700 000 € que le gouvernement Valls vient d’offrir à l’équipe Moudenc pour payer… les caméras de surveillance !

Le scénario échafaudé apparaît clairement : l’étude va démontrer qu’un auditorium enterré c’est très (trop) cher et que les finances de la ville sont au plus bas (air connu … ). Pour payer un tel équipement public on pourra rentabiliser le terrain en construisant des logements le long des rues (ah oui la ça va rapporter à un promoteur) mais en gardant « l’étoile » (ah là ça coûte donc c’est le public qui s’en charge)… Vivent les partenariats public privé : les bénéfices au privé et les charges au public !
Et surtout on peut craindre que l’opération de promotion se fasse très vite (dans 2 ou 3 ans) et que l’équipement public déjà annoncé en commission de quartier pour dans 10 ans… ne voit jamais le jour!

Casa Nova dénonce ces agissements indignes et assure les associations de quartier de son soutien actif dans la lutte contre un projet de promotion privée.

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