12 Janvier 2000
Trente-Six-Ponts. (Impasse et rue des) - C'est, à l'origine, la rue du Sauzat, carr Sauzati, tout au moins depuis le XVIème siècle, quand ce ruisseau canalisé fut détourné (à hauteur de l'actuelle rue Léo-Lagrange) et dirigé vers le fossé de la porte du Château Narbonnais.
La nécessité d’accéder aux propriétés riveraines entraîna la construction de ponceaux. Y en eut-il exactement trente-six, comme les Trente-six Chandelles? C'est peu probable, car de la place du Busca à la rue Joly, une seule propriété, l'enclos de Bénech, occupa les lieux. Sur certains plans, ces ponts ne sont que vingt-six; mais c'est une simple faute de graveur, sans signification.
VERGNES voulut en faire la rue des Sacrificateurs, ce que le tableau de l'an II simplifia en rue des Sacrifices. Le XIX' siècle tenta de supprimer les ponts. Ce fut d'abord BRÉMOND, qui avait mal lu le mot Sauzat et écrit en 1600 rue du Fauzat (du Fossé), ce qui nous donna assez à comprendre que son nom actuel lui vient des ponceaux qui étaient sur le fossé.
Cette rue qui est large, longue et populeuse, porterait bien le nom du successeur de Raymond de Saint-Gilles: rue Bertrand-le-Comte.
Pendant le mandat de Guillaume-Isidore Baron(1) de Montbel, maire de Toulouse de 1826-1829, plusieurs édifices utilitaires ont été construits ou achevés à ; l'école vétérinaire, inaugurée en 1828, rue des Trente-Six-Ponts, jusq'à son installation le 22 aout 1835 dans les nouveaux locaux construits par l'architecte Laffont; l'institution des sourds-muets des deux sexes, fondée en 1826 par l'abbé René Chazottes dans la même rue des Trente-Six-Ponts, à l'angle de la rue Joly (11). La présence de l'Institution des sourds-muets suggéra en 1867 de lui donner le nom de rue Chazottes, et en 1902, rue de l'Epée.
En 1875, la caserne Pelet ou caserne du 83éme régiment d'infanterie, s'installe dans les anciens bâtiments du pénitencier pour jeunes délinquants ( garçons ey filles).
Début XXéme, les Atelier des tricotages de l’Ariège s'y installent et enfin l'INSEE en 1873.
Entre-temps, en 1881, on proposa rue Sermet, et plus récemment (1973) une nouvelle demande de changement parvint à la Mairie. Les Trente-Six-Ponts, heureusement, résistèrent...
Un Anglais, touriste passant à Toulouse, fit acquisition du Guide Toulousain à l'aide duquel il visita la ville. Arrivé en Angleterre, afin de se remémorer, il consulta de nouveau ses cicérones mais quel ne fut pas son étonnement, lorsqu'en parcourant celui de Toulouse, il y lut que cette ville possédait trente-six ponts: « Goddam, s'écria-t-il, je n'ai pas vu cela! » Et il en prit note pour son prochain voyage. »
Aujourd'hui qu'il n’y a plus ni ponts ni Sauzat, il est difficile de se représenter les inconvénients que comportait cette situation. Dès 1618, il était enjoint aux riverains de réparer le ruisseau du Sauzat, chacun à son endroit. Au lieu de quoi « le plus grand nombre des habitants... malgré les ordres qu'on leur a donné... de ne pas jeter les balayures et les décombres de leurs maisons dans le fossé, n'ont aucun égard ». Les eaux croupissent et des exhalaisons méphitiques s'en dégagent.
Le Sauzat, grossi du Miègesolle, n'était certes pas un torrent pyrénéen, pour pouvoir emporter les ordures. Mais à d'autres moments, c'est l'image contraire-qui apparaît: le spectre de l'inondation.
Déjà, en 1800, le citoyen DARQUIER, membre de l'Institut National, écrivait au Préfet: « J'ai une maison dite Bénech, avec une vaste prairie, sur le bord du ruisseau dit des Trente-Six-Ponts; depuis huit à dix ans on a laissé combler ledit ruisseau vers son embouchure de sorte que les eaux pluviales qui grossissent ce ruisseau ne pouvant s'écouler, ma cave et le logement de mon jardinier sont remplis d'eau tout l'hiver. Ma prairie est devenue un marécage, les eaux qui devraient s'écouler par le ruisseau y refluent ainsi que dans la maison voisine. » Certain jour, le 11 mai 1856, grossies par le Canal du Midi en fuite et l'Hers en furie, les eaux envahirent tout le quartier; l'agent voyer a dû organiser rue des Trente-Six-Ponts un service de bateaux, qui a fonctionné toute la nuit, pour la distribution des objets nécessaires à chaque famille.
La maison Ferrier et l'Enclos Benech ou maison Cannone est une des plus anciennes maisons du quartier du Busca. C’est une maison massive aux murs de brique rouge située à l'angle de la rue des 36 Ponts et de la rue Joly. Lire l'histoire de ce domaine ici
(1) On parle souvent du « baron » de Montbel. Rappelons que Baron n'est
pas le titre nobiliaire, mais fait partie du patronyme de la famille.