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L’incendie de l’avenue Crampel - 14 juillet 1952

Les plus anciens habitants du Busca se souviennent qu’en 1952, un important incendie eut lieu rue Déodora près de l’avenue Crampel et détruisit habitations et ateliers.

L’incendie fit la une des journaux locaux et eut même droit à un entrefilet dans Le Monde !

Cet article raconte cet événement grâce aux éléments fournis par Elisabeth et Nancy Calas, dont la famille possédait la fabrique de chaussures Soléo détruite lors de la catastrophe.

Les circonstances

La rue Déodora est située entre l’avenue des Demoiselles et la rue Goudouli. Elle était bordée par des habitations et par de nombreux ateliers parmi lesquels une menuiserie, un entrepôt de bois et charbons, un garage et une fabrique de chaussures. Elle a été prolongée dans les années 60 pour rejoindre, au sud, l’avenue Crampel. Elle longe la voie ferrée qui mène vers Bayonne ou Auch, entre les gares Matabiau et Saint-Agne.

Extrait du plan de Toulouse en 1950

Extrait du plan de Toulouse en 1950

A l’époque des locomotives à vapeur, les feux de voie n’étaient pas rares, provoqués par des escarbilles du train qui enflammaient les herbes du talus.

Le début de l’été 1952 avait été sec et plusieurs départs de feu avaient été signalés sur le talus de la voie ferrée non loin du Radoub, mais rapidement éteints par les pompiers ou par les voisins eux-mêmes.

Plan du quartier fait par La Dépêche du Midi pour l’occasion

Plan du quartier fait par La Dépêche du Midi pour l’occasion

L'incendie

Un nouveau départ de feu eut lieu le 14 juillet 1952 vers 03h30 du matin et ne fut pas détecté tout de suite. Les pompiers une fois alertés mirent en place tous les moyens qu’ils avaient : 33 hommes, des camions et 8 lances. Des tuyaux furent tirés jusqu’au canal du midi, mais ils n’arrivèrent pas à maîtriser seuls cet incendie.

La Dépêche du Midi indique :

Un beau et magnifique mouvement de solidarité humaine se développa devant le danger qu’il fallait vaincre à tout prix. D’où venaient tous ces gens ? Qui étaient-ils ? On ne sait ! Après une nuit d’efforts et d’insomnie ils regagnèrent leurs demeures anonymes autant qu’à leur arrivée.

Tous ces volontaires aidèrent les sapeurs-pompiers auxquels s’étaient joints les pompiers de l’ONIA (devenue ensuite AZF) et de la SNCASE (Société Nationale ces Constructions Aéronautiques du Sud-Est, une des sociétés mères de l’AérospatialeL’armée apporta son efficace contribution aux secours ; une centaine de militaires du régiment d’artillerie coloniale et du 14° RI rivalisèrent de zèle et de dévouement pour aider les salariés à déménager et sauver tout ce qui pouvait l’être.

Vingt-cinq CRS souvent au péril de leur vie aidèrent avec des moyens de fortune à circonscrire le sinistre.

Les pompiers à l’œuvre (La Dépêche)

Les pompiers à l’œuvre (La Dépêche)

Le feu fut maîtrisé vers 10h00 du matin après plus de 6 heures de lutte.

Voisins spectateurs (La Dépêche)

Voisins spectateurs (La Dépêche)

Les dégâts

Le Patriote du Sud-Ouest, journal local titrait :

Un pâté de maison dévasté par le feu,

Près d’un milliard de dégâts.

Sept familles sans abri.

Une scierie, une manufacture de chaussures et un garage détruits ; plus de cent ouvriers au chômage.

 

La Dépêche du Midi du 15 juillet 1952 commente :

Sur une superficie de plus d’un hectare, le long de la voie ferrée, on n’a plus qu’une vision rappelant les horreurs après le passage d’un cataclysme : partout ce ne sont que poutres calcinées, ferrailles tordues, pans de murs noircis qui dressent vers le ciel leur sinistre silhouette comme une muette imploration.

Les trois-quarts de la fabrique de chaussures Calas sont réduits en cendres parmi lesquelles on aperçoit des plaques de cuir roussi et des fragments de crêpe. Des ferrailles tordues sont tout ce qui reste d’un outillage moderne.

Du garage Crampel il ne reste que 4 murs calcinés. Plusieurs voitures ont été détruites ainsi que l’outillage et l’atelier situés à l’arrière du garage.

La Scierie Lalanne a été complètement rasée par le sinistre. On peut apercevoir quelques arbres totalement dépouillés de leur feuillage, des machines qui ne seront bonnes que pour la ferraille, un camion équipé au gaz dont il ne reste que la cabine.

M Bargiacchi avait rentré un important stock de charbon de bois. Des tas de fagots de bois d’allumage jonchent le sol.

Les ateliers de l’entreprise Delfour et Bisseul ont été terriblement mis à mal par l’effrayant sinistre. Madriers, pans de murs écroulés, briques cassées s’entassent pêle-mêle sur la terre brûlée.

A la suite de l’incendie sept familles avec leurs enfants se trouvent sans abri, et plus de cent ouvriers au chômage.

Le site après la fin de l’incendie (Dépêche du Midi)
Le site après la fin de l’incendie (Dépêche du Midi)
Le site après la fin de l’incendie (Dépêche du Midi)

Le site après la fin de l’incendie (Dépêche du Midi)

Les suites…

Les causes de l’incendie ne faisaient pas de doute : une escarbille provenant d’une locomotive assurant la liaison entre Matabiau et St Cyprien. 

La Croix du Midi rapporte fin juillet :

Les herbes séchées laissées sur le talus lors des départs de feu précédents ont dû prendre feu et le vent a propagé les flammes tout autour à la faveur de la nuit. Les témoins entendus confirment ce point de vue.

D’après La Dépêche, des pétitions avaient été ouvertes auparavant pour demander que le ballast soit dégagé des herbages dangereux en été.

Toutefois, toujours d’après La Croix du Midi, la SNCF déclare que les locomotives ne peuvent laisser tomber des scories qu’entre les voies, qu’il pourrait y avoir eu malveillance et qu’il y avait lieu de vérifier si certaines constructions en partie en planches de la menuiserie Lalanne étaient à vingt mètre de la voie.

Il semble que la SNCF ne fut pas mise à contribution pour réparer les dégâts et que les propriétaires ne reçurent de l’aide que de leurs assurances quand ils en avaient une.

Pour l’anecdote, les pompiers devaient défiler pour le 14 juillet, et leurs camions étaient astiqués pour l’événement. Ils eurent droit à un autre type d’activité…

Les journaux ont commenté la politique des édiles locaux et nationaux :

Il faudrait créer de nombreux bassins d’incendie et avoir des logements pour abriter au moins dans des cas de ce genre, les sinistrés. Ces problèmes sont plus urgents à résoudre que la création d’arènes (La Croix du Midi).

Lourde est la responsabilité de ceux qui font des économies de personnel parmi les cheminots et qui rendent impossible l’entretien des abords des voies ferrées. Les gouvernants à la Pinay appellent cela faire des économies! (Les Arènes de Toulouse, dites du Soleil d’Or, ont été construites en 1953 à Saint-Cyprien. Elles pouvaient accueillir 1400 personnes. Elles ont été détruites en 1989 pour construire le lycée- Wikipédia.) (La Dépêche du Midi)

Cet incendie a marqué les esprits du quartier. La plupart des ateliers ont été reconstruits et ont pu fonctionner encore quelques années avant d’être rattrapés soit par l’urbanisation soit par les changements économiques.

La fabrique de chaussures Soleo en est un exemple qui est présenté dans cet article.

 
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